e cours. Le vent. Le vent chante dans ma voile. Les Coureurs. Les Coureurs me suivent. Ils
sont avec moi. Ils participent à la Musique. La joie. Je sens la pureté de la sagesse.
Je vibre et ils vibrent avec moi. Nous fendons les hautes tiges de la plaine comme nous
l'avons toujours fait. Toujours. Lumière après lumière, croissant après croissant,
cycle après cycle. Depuis la nuit de l'origine.
Un doute m'envahit. Je perds
l'harmonie. Les Coureurs le sentent. Avons-nous suivi la bonne voie ? De nombreux cycles,
maintenant. Depuis de nombreux cycles nous tombons les uns après les autres. Pour ne plus
nous relever. Notre race s'éclaircit de plus en plus. De plus en plus. Est-ce notre
destin ? Est-ce bien ce que l'On attendait de nous ? Les Coureurs ! Les Chanteurs de la
Plaine du Vent !
La pensée me quitte. La force.
Je suis l'unité de la Course. Je ne dois pas fléchir. Nous continuerons toujours à
courir. Toujours.
Brisé. Soudain, le rythme de
mon corps est brisé. Je ralentis. Mes Coureurs ralentissent. Ils observent. Ils savent.
Ils ne peuvent rien pour moi. Je m'arrête. C'est trop tard. Mon corps ne m'obéit plus.
Je descends au sol. Lentement. Ma voile tombe. Le vent meurt en moi. Je vais bientôt
partir. Partir.
Restez ! Les Coureurs ! Mes
Coureurs ! Je suis la force ! Je suis l'unité. Ils sont partis. Partis. Après tant de
cycles. Je ne suis plus leur guide. La Course continue. La Musique continue. Je reste
seul. Je diminue. Lentement.
Pas seul. Un Coureur est resté.
Il s'approche. Je sens ses vibrations. Force. Puissance. Intelligence cachée. C'est lui.
Lui. Pourquoi m'avoir suivi durant tout ce temps. Il aurait du être notre guide. Je
n'étais pas digne. Il nous aurait conduits vers la Sagesse. Pourquoi ?
Non. Il ne veut pas commander.
Je le sens. Nous observer. Il nous accompagne pour nous observer. Pour apprendre. Il ne
veut pas nous influencer. Père. C'est notre père. Notre créateur. Je sens ses
vibrations. Il me rassure. J'ai bien conduit les Coureurs. Je peux partir en paix. Sa
sagesse. Il est devant moi. Il est partout. Dieu. Je ne vois plus.
Dans la plaine, un être fend
les hautes tiges d'un sillon solitaire. C'est fini. La race des Coureurs s'est éteinte.
L'être les a accompagnés jusqu'au bout. Jusqu'au bout de la course. Un à un, il a perdu
tous ses fils. L'expérience est terminée. Bientôt, il retournera parmi ses frères.
Dans la plaine, un grand vent se
lève. Un vaisseau de l'espace s'approche du sol. Il est gigantesque, indestructible. Une
rampe d'accès descend caresser l'herbe. Un Coureur s'avance, et sans une hésitation,
disparaît à l'intérieur.

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